Monsieur le Président,
Quatre salariés du site de Valenciennes de RTE ont été interpellés chez eux le 4 octobre au matin
par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à la suite de leur participation à la grève
du printemps dans votre entreprise. Nous tenons à vous faire part de notre franche désapprobation
du recours à un tel service spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité pour
des faits en lien avec un conflit social.
Le 21 février 2022, une quarantaine d’agents de votre entreprise à Nantes ont démarré une grève
afin d’obtenir une augmentation de salaires de 5 % dans un contexte de forte inflation. Le
mouvement s’est ensuite étendu à tout le pays face au refus de votre direction de donner suite à ces
légitimes exigences.
C’est dans ce contexte que sont intervenus les faits en question. Les quatre agents concernés sont
suspectés d’avoir passé « des postes en local » à plusieurs reprises en juin et en juillet 2022. Il
s’agit, vous le savez, d’une pratique traditionnelle et symbolique lors des mobilisations des salariés
de RTE, qui ne met pas en péril la sécurité d’approvisionnement électrique et qui ne consiste qu’à
retirer au centre de commande son lien avec les postes électriques. Cela a alors seulement pour
conséquence d’obliger un agent à se déplacer sur le site pour rétablir la connexion.
Cela n’a rien à voir avec de la cybercriminalité ou du terrorisme. Pourtant, ces salariés ont été mis
sur écoute, menottés, arrêtés devant leur famille et ont passé 96 heures en garde à vue en application
d’un régime dérogatoire applicable à des faits d’une exceptionnelle gravité. Ils sont à présent
poursuivis par la justice, à la suite d’une plainte déposée par RTE. Ils risquent jusqu’à 15 ans de
prison.
Dans ce contexte de répression syndicale qui n’avait jamais été observé jusque-là, est survenu le
drame de la mort de Mathieu P., salarié de 29 ans travaillant sur le site de Saumur, qui a mis fin à
ses jours le lundi 17 octobre dernier. Ce jeune homme revenait d’un mois d’arrêt maladie à la suite
d’une convocation policière début septembre. Il avait été accusé par RTE d’avoir été l’un des
auteurs présumés d’actions sur le réseau électrique quelques mois plus tôt, une accusation infondée
d’après ses collègues.
Nous vous faisons part de notre vive préoccupation concernant cette situation au sein de votre
entreprise. Loin du dialogue social, cette volonté de répression avec le concours des forces de
police, est d’une intensité inédite et de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux des salariés
concernés.
Dans un communiqué publié sur le site de RTE, l’entreprise déclare pourtant avoir réalisé un chiffre
d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2021, soit une hausse de 11 % par rapport à 2020. Ce même
communiqué l’indique dans son intitulé : ces résultats annuels de RTE « confirment sa bonne santé
financière » avec un résultat net de 661 millions d’euros en hausse de 27%.
Avec une inflation atteignant en moyenne 6,2 % au mois d’octobre, niveau qui n’avait pas été
atteint depuis 1985, une absence d’augmentation des salaires entraînerait une perte de pouvoir
d’achat considérable pour vos salariés. Au vu des bons résultats de RTE, il est tout à fait légitime de
revaloriser les salaires des salariés de l’entreprise.
Pour ces raisons, nous vous demandons solennellement de renoncer aux poursuites judiciaires que
vous avez engagées à l’encontre de ces salariés, et nous appuyons la demande des salariés d’obtenir
des augmentations de salaires.
Comptant sur votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos
sincères salutations.
Marina Mesure et Matthias Tavel